Droit disciplinaire
Un récent arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 28 septembre 2022 (n°21-15136) donne l’occasion de faire le point sur les différents aspects procéduraux du droit disciplinaire.
1 – Présentation de la solution
Dans cette espèce, la Cour de cassation rappelle que le délai d’un mois dont dispose l’employeur pour notifier une sanction expire le jour du mois suivant qui porte le même quantième que le jour de l’entretien préalable à minuit, selon les dispositions de l’article R 1332-3 alinéa 1e du Code du travail.
A défaut de quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois suivant.
Enfin, lorsque le dernier jour de ce délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
Mais l’intérêt de l’arrêt est ailleurs : la Cour de cassation confirme que ce délai d’un mois court à partir de la date de l’entretien préalable alors même que le(a) salarié(e) convoqué(e) ne s’y est pas présenté(e). Ce principe avait déjà été dégagé à plusieurs reprises par la Chambre sociale (Cass.soc., 23 janvier 2013, n°11-22724).
En l’espèce, l’employeur, constatant l’absence de la salariée à l’entretien préalable fixé au 21 novembre 2016, avait de sa propre initiative, reporté ledit entretien préalable au 14 décembre 2016 et notifié le licenciement pour faute grave le 22 décembre 2016.
L’arrêt de la Cour d’appel, qui avait jugé que la notification intervenue à cette date n’était pas tardive, est cassé.
Le licenciement aurait dû intervenir le 21 décembre 2016 au plus tard, étant précisé que :
- La date de notification de la sanction est celle de l’envoi de la lettre par l’employeur ou de sa remise ou tentative de remise en main propre ;
- Le délai d’un mois n’est ni suspendu ni interrompu par une éventuelle suspension du contrat de travail ;
- Le délai d’un mois ne commence à courir qu’à compter du second entretien préalable à la condition que l’entretien soit reporté à la demande du salarié indisponible à cette date (Cass.soc., 3 février 2004, n°01-46318) ou à l’initiative de l’employeur préalablement informé de l’impossibilité pour le salarié de s’y présenter.
2 – Quelques rappels utiles en matière de droit disciplinaire
a) Rappel d’ordre général
Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Une sanction disciplinaire peut donc aller jusqu’au licenciement pour faute, voire pour faute grave ou lourde.
Constitue également une sanction les reproches, mises en demeure de redresser la situation ou mises en garde contenus dans un courriel ou un courrier de l’employeur à destination du salarié quand bien même cet écrit ne serait pas qualifié d’avertissement ou de sanction disciplinaire.
(!) Il importe donc de faire attention aux termes employés dans une lettre ou un mail de reproches adressé à un salarié. Il est en effet constant qu’un même fait ne peut être sanctionné deux fois en vertu du principe bien connu « non bis in idem »
Il revient au règlement intérieur, dont l’établissement est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant au moins 50 salariés, de fixer notamment les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur.
b) La procédure disciplinaire
La procédure disciplinaire est encadrée par des délais de prescription et soumise à des garanties de procédure au bénéfice du salarié.
- Les délais de prescription
Selon l’article L 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
(!) Attention : la chambre sociale de la Cour de cassation précise que l’employeur, au sens du texte susvisé, s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir. (Cass.soc., 23 juin 2021, n°20-13762)
Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction
Les garanties de procédure
Aucune sanction ne peut être infligée au salarié sans que celui-ci soit informé par écrit des griefs retenus contre lui.
En conséquence, toute sanction ayant une incidence immédiate ou non sur la fonction, la carrière, la rémunération ou la présence du salarié dans l’entreprise doit être précédée de la procédure suivante :
- Le salarié doit être convoqué à un entretien préalable. La convocation précise l’objet de l’entretien, la date, l’heure et le lieu de cet entretien et rappelle que le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ; Si la sanction envisagée est un licenciement disciplinaire et en l’absence d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, cette convocation doit également rappeler que le salarié peut se faire assister par un conseiller extérieur de son choix inscrit sur la liste départementale ainsi que les adresses des services où cette liste est tenue à disposition du salarié ;
- Cette convocation est écrite. Elle est soit remise en main propre contre récépissé, soit adressée par pli recommandé avec demande d’avis de réception, dans le délai de deux mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance du fait fautif, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Si la sanction envisagée est un licenciement pour faute grave, il est conseillé d’agir à bref délai dès la connaissance du(es) fait(s) fautif(s) reproché(s) au salarié. A par exemple été jugé que l’employeur avait tardé à engager la procédure de licenciement et ne pouvait plus invoquer la faute grave lorsque la convocation à l’entretien préalable était postérieure de plus de 3 semaines aux griefs reprochés au salarié. (Cass.soc., 20 juin 2002, n°00-41006)
- Au cours de cet entretien, le représentant de l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
Cette procédure ne concerne donc pas l’avertissement ou sanction de même nature, sauf dispositions conventionnelles plus favorables.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien (Cf arrêt commenté supra). Elle doit être motivée.
La décision motivée est notifiée au salarié par l’envoi d’un pli recommandé avec demande d’avis de réception dans le délai d’un mois tel que défini à l’alinéa précédent.
Pour rappel, des conventions collectives peuvent imposer des règles particulières (délai de notification de licenciement, procédures conventionnelles plus contraignantes etc…). Ces règles et procédures spécifiques peuvent constituer des garanties de fond dont l’inobservation constituent une cause réelle et sérieuses de licenciement.
Les employeurs sont donc invités à consulter la convention collective qui leur est applicable avant de licencier ou de mettre en place une procédure disciplinaire.
Le cabinet accompagne les entreprises dans l’établissement de leur règlement intérieur et dans la mise en œuvre du pouvoir disciplinaire de l’employeur.